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le pouvoir du Juge de l'Honoraire et l'ordonannce du 10 février 2016

 

L'ordonnance du  10 février 2016 N°2016-131 portant réforme de droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, n'est applicable qu'aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016. Les conventions d'honoraires sont naturellement soumises à ce calendrier en précisant toutefois qu'une convention signée antérieurement au 1er octobre 2016, mais qui serait modifiée par un avenant (par exemple sur le montant du taux horaire ou sur le pourcentage de l'honoraire de résultat…), entrerait dans le champ d'application du nouveau cadre législatif.

 

Nous ne nous attacherons dans cet article qu'à la seule problématique du pouvoir du juge de fixer le montant de l'honoraire soit en l'absence de convention d'honoraires, soit en présence d'une convention d'honoraires.

 

L'ordonnance du 10 février 2016 comporte sur la question du prix de la prestation de service deux dispositions principales codifiées aux articles 1165 et 1223 (nouvelle numérotation).

 

1/ Pouvoir du juge en l'absence de convention préalable

 

L'article 1165 s'intègre dans la sous-section traitant du " contenu du contrat " faisant elle-même partie de la section II intitulée " La validité du contrat ".   Selon l'article 1165 du Code civil (nouvelle rédaction) " Dans les contrats de prestation de service, à défaut d'accord entre les parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d'en motiver le montant en cas de contestation. En cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d'une demande de dommages et intérêts. "

 

Cette disposition vise donc l'hypothèse du pouvoir du juge en l'absence de convention préalable. Nous savons que, bien que la convention d'honoraires soit désormais obligatoire, l'absence de convention d'honoraires ne peut priver l'avocat de son droit à rémunération. (Cassation civile 2ème chambre 14/01/2016 N°15-10130). A défaut de convention, le juge fixera le montant de l'honoraire au regard des critères de l'alinéa 4 de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 dans sa nouvelle rédaction issue de la loi du 6 août 2015 (loi MACRON).

 

Le double principe posé par le nouvel article 1165 est celui de l'obligation par le prestataire de service de justifier de sa facturation en cas de contestation et celui du pouvoir du juge d'allouer des dommages et intérêts si cette facturation est abusive.

 

Il faut dès lors s'interroger sur la persistance de la jurisprudence selon laquelle le juge détient le pouvoir de fixer le montant de l'honoraire notamment lorsqu'il apparait exagéré au regard du service rendu. En effet,  le pouvoir du juge en cas d'abus dans la fixation du prix est limité à l'octroi de dommages et intérêts et ne permet donc pas une fixation judiciaire du prix de la prestation.

  

Pour que le juge de l'honoraire puisse réduire le montant de l'honoraire non convenu, il conviendrait qu'il caractérise l'abus commis par l'avocat dans la fixation du prix et qu'il fixe, non pas le montant de l'honoraire, mais celui des dommages et intérêts qui pourront correspondre à la " partie " du prix considérée comme abusive.

 

Certains diront que la loi spéciale (celle du 31 décembre 1991) doit primer sur la loi générale issue de l'ordonnance du 10 février 2016. Le principe n'est pas contestable sauf que la loi spéciale ne peut contredire la loi générale. Une clarification sera la bienvenue pour que le juge de l'honoraire sache s'il peut, comme antérieurement, fixer, en l'absence de convention, le montant de l'honoraire ou seulement allouer des dommages et intérêts destinés à sanctionner l'abus dans la fixation de l'honoraire par l'avocat.

 

Le projet de réforme donnait clairement au juge le pouvoir de fixer le prix ou de le réviser. Craignant d'instaurer un mécanisme d'interventionnisme excessif du juge dans la sphère contractuelle, le législateur n'a pas repris cette proposition, ce qui conduit à un texte qui suscite beaucoup d'interrogations…

 

 

2/ Pouvoir du juge en présence d'une convention

 

La seconde disposition de l'ordonnance du 10 février 2016 relative à la question du prix est l'article 1223 du Code civil (nouvelle numérotation). Ce texte édicte que "  Le créancier peut, après mise en demeure, accepter une exécution imparfaite du contrat et solliciter une réduction proportionnelle du prix.

S'il n'a pas encore payé, le créancier notifie sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais. "

 

Nous sommes cette fois-ci dans l'hypothèse d'un prix fixé par convention mais dont la prestation promise a été " imparfaitement " exécutée.

 

Le créancier, en l'occurrence le client, peut donc notifier sa " décision " de ne payer qu'une partie des honoraires convenus. Cette notion d'exécution " imparfaite " doit être distinguée de l'inexécution " suffisamment grave " qui ouvre droit quant à elle à la résolution (article 1124). Elle ne doit pas non plus empiéter sur le domaine de l'action en responsabilité, car si tel est le cas, le juge de l'honoraire devra décliner sa compétence au profit du juge de droit commun.

 

Si un désaccord survient sur la réduction du prix " décidée " par le client, le juge sera saisi et on peut penser que la construction jurisprudentielle (Cassation Civile 2ème chambre 03/03/1998 N°95-15799) selon laquelle le juge de l'honoraire, même en présence d'une convention, dispose du pouvoir de réduire l'honoraire exagéré au regard des diligences accomplies, continuera de s'appliquer.

 

C'est l'avenir qui nous apprendra si l'ordonnance du 10 février 2016 aura pour effet de " rendre les clés " du contrat aux parties, ou si le juge en conservera " un double " pour réviser les conventions déséquilibrées.

 

 

Jean-Pierre DEPASSE

Membre du Bureau de l'ANAAFA

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